News

Une page du Livre des Martyrs se tourne (pour moi)

Je peux désormais le dire : avec la parution du tome 9 le mois dernier, je tourne la page de la traduction du Livre des Martyrs.

Je ne me chargerai pas du tome 10, notamment car il était impossible, pour moi, d'enchaîner les deux dans de bonnes conditions en espérant les voir sortir la même année. C'est mon camarade Nicolas Merrien qui conclura donc la traduction du cycle principal de la saga de Steven Erikson.
Nicolas, à qui je voudrais rendre hommage ici, car sans lui, sans sa passion, et sa patience, cette incroyable aventure n'aurait jamais vu le jour, en tout cas, pas dans ces conditions. Cinq ans. Cinq ans de travail depuis 2017 avec un premier volume, les Jardins de la Lune, en librairie en mai 2018 et déjà suivi depuis de... huit autre tomes, toujours plus imposants !
Bien sûr, tout ne fut/n'est pas rose en cinq longues années, mais aujourd'hui en tout cas, j'ai envie de retenir le positif. Merci aussi évidemment à Marc Simonetti pour avoir magistralement donné vie à l'univers malazéen. Je suis persuadé qu'une partie du succès de ce nouveau lancement en France lui est dû, à commencer justement par l'illustration phénoménale des Jardins.
Des illustrations à la hauteur donc de l'imagination et de l'érudition d'un Steven Erikson, que je ne peux que saluer là encore. Je l'aurais au bout du compte beaucoup moins dérangé que je ne l'avais imaginé au départ ! Mais quelle œuvre fleuve.
Merci aussi aux deux correctrices avec qui j'ai travaillé sur ces quatre romans ("seulement" quatre finalement, mais qui doivent représenter facilement huit ou dix romans de taille plus "classique" !)
Merci à tous les lecteurs qui sont venus me trouver en salon ces dernières années pour me remercier pour mon travail - ça fait toujours plaisir ! - et qui parfois sont également repartis avec l'un de mes propres romans - ça fait encore plus plaisir. C'est bien la première fois que j'ai pu toucher du doigt ce que cela faisait de traduire des romans qui ont rencontré leur public.
Et merci bien sûr aux éditions Leha.

Cinq ans d'immersion continue dans le même univers, quand ce n'est pas le sien, c'est bien suffisant à mes yeux et j'admire sincèrement mes confrères qui évoluent parfois depuis plus longtemps encore au cœur de la prose d'une même autrice ou d'un même auteur.
Il est temps de passer à autre chose.

PS : de fait, chers camarades de l'édition, je suis de nouveau disponible en tant que traducteur à partir de l'automne 2022. Il faut un peu de temps pour se remettre.

Le Livre des Martyrs : c'est reparti !

Aujourd’hui 26 avril 2019 constitue une date importance puisque pour la première fois depuis plus de 10 ans, un roman inédit de Steven Erikson débarque en librairie en France, à savoir, bien entendu, Les Souvenirs de la Glace, considéré par beaucoup comme l’un des sommets du cycle. Toujours aux éditions Leha, et traduit par Nicolas Merrien.
Mais, il en réalité déjà temps de passer à la suite… et c’est ainsi que j’ai repris à mon tour le collier, pour replonger dans l’univers des Malazéens dès maintenant, avec la traduction du tome 6, The Bonehunters, désormais officiellement lancée !
La parution est prévue pour l’automne… 2020, mais si cela vous paraît loin, n’oubliez pas qu’après le tome 3 et avant le 6, vous aurez les 4 et 5 à lire ! Et de mon côté, vu la longueur du roman, j’ai largement besoin de tout ce temps !
En attendant… bonne lecture des Souvenirs de la Glace !

Couverture de l’édition Subterranean Press.

Du Livre Malazéen des Glorieux Défunts au Livre des Martyrs

Petit billet aujourd'hui en rapport à un certain titre apparu sur une certaine plateforme de vente en ligne !

Choisir le titre d'un cycle littéraire, en particulier de fantasy,  n'est jamais chose aisée.
Lorsqu'il a été question de rééditer en France The Malazan Book Of The Fallen de Steven Erikson, il est vite paru évident que l'on ne pouvait pas conserver le choix de traduction initial, à savoir Le Livre Malazéen des Glorieux Défunts.

Tout simplement parce que "Glorieux Défunts" est un contresens absolu à l'aune du cycle dans son ensemble. Sans rien vous dévoiler de l'intrigue, les individus en question, les "Fallen", ne sont pas des "défunts". De même, ils n'ont rien de "glorieux". Pour ce qui est de "Défunts", la lecture d'un passage clé à la fin de The Crippled God, "Le Dieu Estropié", dixième et dernier tome du cycle, apporte une réponse claire à ce sujet : les Fallen ne sont pas morts. Pas à ce stade de l'histoire, en tout cas. Peut-être vont-ils mourir, peut-être pas. Ils sont en mauvaise posture, ça, c'est certain, et on sait que ce genre de situation n'est jamais bon signe dans un roman d'Erikson ! Mais on ne peut pas les enterrer si vite. Quant au terme "glorieux", pour paraphraser le titre d'une récente interview d'Erikson, "La guerre n'a absolument rien de glorieux".
En fait, "Fallen" est extrêmement difficile à interpréter. D'ailleurs toutes les autres traductions ont eu des difficultés à traiter ce terme. On peut notamment citer : "morts", "déchus", "tombés au combat", "glorieux défunts" en espagnol, italien, chinois, russe, tchèque, etc. Mais aucune de ces significations ne cadre à la lumière de la lecture complète du cycle. 
Encore une fois, "Martyrs" est le terme qui colle le mieux, ou plutôt qui s'éloigne le moins de "Fallen". 

Voici d'ailleurs la définition de "Martyr" selon le dictionnaire de l'Académie Française :

Les noms Martyr (un martyr, une martyre) et Martyre sont des homonymes, mais ils n’ont pas le même sens. Martyr, emprunté, par l’intermédiaire du latin martyrus, du grec martus, « témoin », apparaît vers 1050 et désigne d’abord une personne qui a souffert pour attester de la vérité de la religion chrétienne ; il remplace la forme populaire martre, de même sens, que l’on risquait de confondre avec le petit carnivore de même nom, et qui n’est plus attestée que dans la toponymie, comme dans Montmartre, « le mont des martyrs », où furent, selon la légende, tués saint Denis et ses compagnons Rustique et Éleuthère. Martyr désigne ensuite toute personne qui souffre ou meurt pour une cause, même si Furetière écrit dans son Dictionnaire : « Martyr se dit abusivement des Hérétiques et de Païens qui souffrent pour la défense de leur fausse Religion. » Il désigne enfin une personne à qui l’on inflige de nombreux tourments. On dira ainsi Il est le martyr de ses camarades, elle est la martyre de ses camarades et, par extension, on pourra parler d’un pays martyr, d’une ville martyre en faisant du nom Martyr(e) une apposition. Martyre, qui apparaît une cinquantaine d’années plus tard, est emprunté, par l’intermédiaire du latin, du grec martyrion, « témoignage ». Il désigne le témoignage apporté par celui qui souffre, puis sa souffrance elle-même, les tourments endurés et la mort pour sa foi ou une cause, un idéal.

Le reste n'est que spéculations, en attendant le dénouement à la fin du dixième tome ! Mais vous retrouverez régulièrement nombre des termes listés dans la définition ci-dessus tout au long de la lecture du cycle. Des martyrs, le Malazan Book n'en manque pas, qu'ils soient présents ou absents lors de certains pans de l'intrigue.

Quant au choix de garder ou non le terme "Malazéen" dans le titre, il a été laissé à l'appréciation de l'éditeur. Il ne s'agit pas ici considérations de sens ni de fidélité à l'original, bien sûr, mais plutôt d'impact auprès du lectorat pour un cycle qui a déjà connu un parcours éditorial "compliqué" dans notre pays et notre langue. En sachant que, vis-à-vis de l'histoire, le terme Malazéen n'est pas strictement indispensable à décrire le Livre en question : l'appellation tronquée "Le Livre des Martyrs" ne trahit pas la saga, ce qui reste l'essentiel à nos yeux. 
Toujours est-il qu'un choix a toujours quelque chose de douloureux. Il faut trancher, dans un sens ou dans l'autre. Certains l'accepteront, d'autre pas. Mais ce choix-ci a été longuement mûri, et pris en tenant compte des différents points de vue de toutes les personnes impliquées, traducteurs compris !

Nicolas Merrien et Emmanuel Chastellière 

"A Bridgeburner—such a strange name for soldiers, and yet . . . so perfect there in the chasm between the living and the dead."